Un autre matin
On est mercredi, l'homme ne travaille pas pourtant il se lève tôt. Il a une fille. Un petit déjeuner, une petite toilette la voilà prête pour déranger son père jusqu'à la sieste ou au mieux jusqu'au retour de sa mère. Pour autant l'homme aime le mercredi alors il ne s'énerve pas quand le petit monstre blond le sollicite pour un nouveau jeu. Bientôt tous les deux vont sortir. Ils iront sur le quai, auquel il est attaché comme à la prunelle de ses yeux. Il aura mis une belle tenue de trentenaire cool, pas de survêtement, c'est un point commun avec son ami moustachu. Il longera la Loire en tenant sa fille dans la main. Peut-être auront-ils le temps d'aller à la médiathèque, voir s'il peut espérer visionner bientôt le DVD qu'il a réservé depuis un an. Et puis changer les livres de la petite. Je dis peut-être car il se peut qu'il traîne à la terrasse d'un café. Il y a de grandes chances, le soleil brille ce matin.
Assis au soleil, le long du quai, il lira son Charlie. La dernière page en premier, puis Polac, toujours comme un rituel. Il trouvera peut-être dans la chronique du vieux critique le titre du prochain livre qu'il lira. Pour lui, Polac est une valeur sûre. Et aussi un sujet de conversation avec le moustachu susnommé. Pour en revenir au journal je crois qu'il se contenterait des trois dernières pages maintenant qu'il vieillit. Sur la terrasse il profitera pour jeter quelques coups d'oeil sur de jolis femmes qui passeront près de sa table. Il devra aussi tempérer l'impatience de sa fille en lui offrant une boisson, un Kinder et rien d'autre parce qu'il faut pas exagérer.
Il rentrera chez lui, fera à manger pour accueillir sa femme. L'après-midi il ne fera rien. Si quelques courses, il reçoit le week-end prochain. Des échalottes, du beurre, des pommes de terre. Il a hésite mais maintenant il sait qu'il préparera un bar au beurre blanc et du confit de canard. Spécialité maison. Pour le vin, on verra se dit-il en sachant que les invités devront se contenter d'un Madiran que seul lui apprécie.
Le soir il partira perdre les kilos gagnés au cours des repas du week-end précédent sur un terrain de badminton. Il voudra battre encore et encore quiconque s'opposera à lui. Il ne manquera pas non plus de ridiculiser un jeune joueur, qu'il apprécie par ailleurs, mais qui est au badminton ce que lui est à la musique. Une quiche. Après avoir couru, sauté et transpiré pour renvoyer un volant que son adversaire veut à tout prix mettre à terre, il boira une bière ou deux puis rentrera. Demain il travaille.